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Patrick Blanc

Contrôle et lâcher prise



Cette époque, et la vie en général, me parlent de contrôle, et de lâcher prise.

En escalade, si on lâche prise de façon inappropriée, on est un peu dans la m….


Enfin, il paraît, parce que moi j’ai le vertige.




En développement personnel, quand on dit « allez-y, lâchez prise ! », c’est à peu près aussi intelligent que de dire à un enfant africain affamé, vivant sur une terre aride dans une famille complètement démunie : « vas-y, mange ! »



Comment je fais, ducon ? Si je savais faire, je ne viendrais pas là pour t’écouter (s'agissant du développement personnel ...), et essayer de trouver une porte de sortie à cette tendance à mentaliser à outrance, qui m’empêche de m’ouvrir, de me sentir vivant, de sentir la vie couler en moi, et d’apprécier les infinies variations des échanges avec autrui.


Et toutes les belles opportunités que la Vie me présente si je sais les voir.

« Il faut toujours ouvrir des territoires », me disait récemment une amie artiste, « car les fruits de l’ouverture sont toujours insoupçonnés ! Contrairement au contrôle qui ne nous donne des fruits que prévus à l’avance, quel ennui ! … »

Oui, à la réflexion, je trouve aussi. Mais ça fait peur, de lâcher. Que risque-t-il de se passer ?

Quelle ancienne blessure risque-t-elle d’être ravivée ? Réouverte ? Explorée ? Douloureusement farfouillée ?…

Oui, ce n’est pas simple, de passer de « je contrôle » à « j’accueille », comme ils disent …

Et qu’en est-il de « je suis contrôlé ? »

Le contrôle par autrui enferme, infantilise, déresponsabilise. En tout cas pour moi. C’est ma « croyance », comme ils disent (toujours en développement personnel …)

Surtout s’il est assorti du pouvoir de sanction.

Contrôler, c’est vérifier, enregistrer, diriger, disait récemment un ami thérapeute dans une intéressante vidéo sur facebook.

Pas du tout, dit-on en management 12.0 : la délégation n’exclue pas le contrôle.


Mais il suppose à tout le moins la montée en puissance temporaire d’une autorité supérieure qui a du pouvoir sur moi, davantage que moi. En tout cas s’agissant de l’objet du contrôle.

Et si, on changeait un peu d’angle de vue ? Une idée, comme ça, qui m’est venue ce matin.

Et si, grâce aux règles infantilisantes, parfois ineptes (mais peut-être en partie nécessaires), qui nous mettent actuellement « sous contrôle », on pouvait collectivement revivre une sorte de deuxième chance pour la construction d’un « moi » collectif – voire même individuel - plus fort, plus stable, plus résilient ? Comme des enfants, que papa Macron aurait un peu entravés dans leur soif de liberté créatrice et joyeuse, et qui du coup seraient appelés à apprendre – par la force des choses – à gérer leurs frustrations, et donc par là même à grandir ?


Rien ne dit qu’on ne verra pas l’émergence d’humains à deux vitesses :


· ceux qui, non contents d’obéir docilement aux règles que l’Etat bureaucratique et contrôlant par essence s’efforce – probablement de bonne foi – d’instaurer, se perdent en adhérant inconditionnellement aux discours de peur, aux batailles idéologiques, aux prises de position péremptoires, et accessoirement au flot obscène d’informations mainstream inintéressantes et anxiogènes,


· et ceux qui saisissent cette opportunité pour, tout en intégrant l’existence du cadre, créer aux interstices, pour se renouveler, pour innover, pour chercher à l’intérieur d’eux-mêmes, peaufiner, et in fine interpréter de mieux en mieux, chaque jour, leur partition personnelle et unique.



Allez, tiens, en bonus, l’histoire du paysan chinois, que vous connaissez probablement.


C’est l’histoire d’un vieux paysan chinois qui vivait seul avec son fils. Il n’avait pour toute richesse qu’un magnifique cheval.

Le paysan suscitait la jalousie des plus riches du pays qui voulaient lui acheter ce cheval. Chaque fois qu’on lui proposait une fortune pour l’animal, le vieillard répondait :

« Ce cheval est beaucoup plus qu’un animal pour moi, c’est un ami, je ne peux pas le vendre. »


Un jour, le cheval disparut. Les voisins, rassemblés devant l’étable vide, donnèrent leur opinion :

« Il était prévisible qu’on te volerait cette bête. Pourquoi ne l’as-tu pas vendue ? Quel malheur ! »

Le paysan se montra plus circonspect :

« N’exagérons rien. Le cheval ne se trouve plus dans l’étable, c’est un fait. Tout le reste n’est qu’une appréciation de votre part. Comment savoir si c’est un bonheur ou un malheur ? Nous ne connaissons qu’un fragment de l’histoire. Qui sait ce qu’il adviendra ? »

Les gens se moquèrent du vieil homme …


Quinze jours plus tard, le cheval revint. Il n’avait pas été volé, il s’était tout simplement échappé. Lassé par sa petite escapade, il revenait et ramenait avec lui une dizaine de chevaux sauvages. Les villageois s’attroupèrent de nouveau :

« Tu avais raison, ce n’était pas un malheur mais une bénédiction. »

Le paysan leur répondit :

« Je n’irai pas jusque là. Contentons-nous de dire que mon cheval est revenu. Comment savoir si c’est une chance ou une malchance ? Ce n’est qu’un épisode. Peut-on connaître le contenu d’un livre en ne lisant qu’une phrase ? »

Les villageois se dispersèrent, pensant que le vieil homme déraisonnait. Recevoir 10 beaux chevaux était indubitablement un cadeau du ciel.


Trop âge pour le faire lui-même, le vieux paysan laissa son fils, malgré son inexpérience, commencer le dressage des chevaux sauvages. L’un d’eux le jeta à terre violemment à terre et le blessa gravement. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis :

« Mon pauvre ! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t’ont pas porté chance. Voilà ton fils unique estropié. Qui donc t’aidera dans tes vieux jours ? »

La réponse du paysan les étonna de nouveau :

« Voyons, n’allez pas si vite. Mon fils a perdu l’usage de ses jambes, c’est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté ? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l’avenir. »


Quelque temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du village furent enrôlés dans l’armée. Sauf le fils invalide du vieux paysan. Les villageois vinrent se lamenter auprès du vieil homme :

« Tu avais raison, ton fils ne peut plus marcher, mais il reste auprès de toi tandis que nos fils vont se faire tuer. »

Ce à quoi il leur répondit :

« Je vous en prie, ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l’armée, le mien reste à la maison, c’est tout ce que nous pouvons dire. Dieu seul sait si c’est un bien ou un mal. »


...



C’est pour moi un bel exemple inspirant d’accueil d’un « nouveau possible », ce qui passe aussi par « ne pas savoir », et donc « ne pas figer », « ne pas enfermer » et « laisser de l’espace pour que puisse se développer quelque chose de non préalablement pensé ».

"La pensée est toujours vieille". Jiddu Krishnamurti


Et lâcher prise, c’est aussi prendre le risque de faire un truc alors même que ce n’est pas encore suffisamment bien.


Comme ce texte.

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